Page:Darwin - Voyage d’un naturaliste autour du monde, trad. Barbier, 1875.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
OISEAUX DE PROIE.

parasites les unes sur les autres, si je puis m’exprimer ainsi ; chaque femelle, en effet, dépose plusieurs œufs dans les nids d’autres femelles, et l’autruche mâle se charge de tous les soins de l’incubation, comme les pères nourriciers pour le coucou.

Je ne citerai plus que deux autres oiseaux, fort communs et que leurs habitudes rendent fort remarquables. On peut regarder le Saurophagus sulphuratus comme le type de la grande tribu américaine des gobe-mouches. Par sa conformation, il ressemble beaucoup au vrai lanier, mais par ses habitudes on peut le comparer à bien des oiseaux. Je l’ai fréquemment observé alors qu’il chassait dans un champ, planant tantôt au-dessus d’un endroit, tantôt au-dessus d’un autre. Alors qu’il est ainsi suspendu dans l’air, on peut facilement, à quelque distance, le prendre pour un des membres de la famille des rapaces ; mais il plonge avec beaucoup moins de force et de rapidité que le faucon. D’autres fois, le saurophage fréquente le voisinage de l’eau ; il reste là, immobile, tout comme un martin-pêcheur et attrape les petits poissons qui s’aventurent trop près du bord. On garde souvent ces oiseaux dans des cages ou dans les cours des fermes ; dans ce cas, on leur coupe les ailes. Ils s’apprivoisent bientôt et il est fort amusant d’observer leurs manières comiques, lesquelles, m’a-t-on dit, ressemblent beaucoup à celles de la pie commune. Quand ils volent, ils s’avancent au moyen d’une série d’ondulations, car le poids de leur tête et de leur bec paraît trop élevé comparativement à celui de leur corps. Le soir, le saurophage vient se percher sur un buisson, le plus souvent au bord de la route, et répète continuellement, sans jamais le modifier, un cri aigu et assez agréable qui ressemble quelque peu à des mots articulés. Les Espagnols croient y reconnaître les mots : bien te veo (je te vois bien), aussi lui ont-ils donné ce nom.

J’ai beaucoup remarqué un oiseau moqueur (Mimus orpheus) que les habitants appellent calandria ; cet oiseau fait entendre un chant supérieur à celui de tous les autres oiseaux du pays, c’est même presque le seul de l’Amérique du Sud que j’aie vu se percher pour chanter. On peut comparer ce chant à celui de la fauvette, seulement il est plus puissant ; quelques notes dures, fort élevées, se mêlent à un gazouillement fort agréable. On ne l’entend que pendant le printemps ; pendant les autres saisons, son cri perçant est loin d’être harmonieux. Auprès de Maldonado ces oiseaux sont fort hardis et fort peu sauvages ; ils visitent en grand nombre les