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MALDONADO.

maisons de campagne pour arracher des morceaux à la viande suspendue aux murailles ou à des poteaux ; si un autre oiseau, quel qu’il soit, vient se joindre à eux pour partager le festin, les calandria le chassent immédiatement. Une autre espèce, proche alliée de celle-ci, Mimus patagonica de d’Orbigny, qui habite les immenses plaines désertes de la Patagonie, est beaucoup plus sauvage et a un ton de voix un peu différent. Il me semble curieux de mentionner, ce qui prouve l’importance des différences les plus légères entre les habitudes, que, ayant vu cette seconde espèce et ne la jugeant que sous ce rapport, je pensai qu’elle était différente de l’espèce qui avoisine Maldonado. M’étant ensuite procuré un spécimen et en comparant les deux espèces, sans apporter à cette comparaison un soin tout particulier, elles me parurent si absolument semblables, que je changeai d’opinion. Or M. Gould soutient que ce sont deux espèces distinctes : conclusion qui concorde avec la légère différence d’habitudes que M. Gould ne connaissait cependant pas.

Le nombre, le défaut d’énergie, les habitudes dégoûtantes des oiseaux de proie de l’Amérique du Sud qui se nourrissent de charognes, en font des êtres extrêmement curieux pour quiconque n’a été habitué qu’aux oiseaux de l’Europe septentrionale. On peut comprendre dans cette liste quatre espèces de caracaras ou Polyborus, le vautour, le gallinazo et le condor. La conformation des caracaras les fait placer au nombre des aigles ; nous verrons s’ils sont dignes d’un rang aussi élevé. Leurs habitudes les font beaucoup ressembler à nos corbeaux, à nos pies, à nos corneilles, qui se nourrissent de charognes ; tribu d’oiseaux fort répandue dans tout le reste du monde, mais qui n’existe pas dans l’Amérique du Sud. Commençons par le Polyborus brasiliensis. Cet oiseau est fort commun et habite une superficie géographique fort étendue ; il est extrêmement répandu dans les plaines gazonnée de la Plata, où il reçoit le nom de carrancha, et se rencontre même assez souvent dans les plaines stériles de la Patagonie. Dans le désert qui sépare le rio Negro du Colorado, ils se tiennent en grand nombre sur la route des caravanes pour dévorer les cadavres des malheureux animaux que la soif et la fatigue ont fait périr sur le chemin. Bien que fort commun dans ces pays secs et ouverts, ainsi que sur les côtes arides du Pacifique, il habite aussi les impénétrables forêts si humides de la Patagonie occidentale et de la Terre de Feu. Les carranchas, ainsi que les chimangos, sont toujours