Page:Daudet - Jack, I.djvu/137

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— Et votre maman, sans doute, l’aime bien, elle aussi ? disait d’Argenton, tout en écrivant ou faisant semblant d’écrire.

— Oh ! oui, monsieur !… répondait Jack naïvement.

Encore était-ce bien sûr qu’il parlât naïvement. L’âme des enfants est un abîme. On ne sait jamais jusqu’à quel point ils ont la notion des choses qu’ils nous disent. Dans cette germination mystérieuse qui se fait continuellement en eux des sentiments et des idées, il y a des éclosions subites dont rien ne nous avertit, des fragments de compréhension qui arrivent à former un ensemble, rattachés entre eux par des liens que l’enfant saisit tout à coup.

Étaient-ce des rapports de ce genre qui avaient fait comprendre à Jack la rage et la déception de son professeur chaque fois qu’il lui parlait de « bon ami ? » Toujours est-il qu’il y revenait sans cesse. Il n’aimait pas d’Argenton. À la répulsion des premiers temps se joignait maintenant un sentiment de jalousie. Sa mère s’occupait trop de cet homme. Pendant les jours de congé ou pendant ses visites, elle lui faisait toutes sortes de questions sur son professeur, s’il était bon avec lui, s’il ne lui avait rien dit pour elle.

— Rien du tout, répondait Jack.

Et pourtant le poëte ne manquait jamais de le charger de quelque compliment auprès de la comtesse. Même il lui remit une fois la copie du Credo de