Page:Daudet - Jack, I.djvu/152

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petit bassin et d’un arbre à perchoir, sans branches ni feuilles vertes !

Mâdou, en regardant ces endroits mélancoliques, un peu sombres, car le bâtiment est bien haut pour sa petite cour, pensait au gymnase Moronval. Dans la souillure de ces étroits pigeonniers, les plumes éclatantes paraissaient ternies et frangées ; elles parlaient de luttes, de batailles, d’effarements de prisonniers ou de fous le long d’un grillage en fer ouvragé. Et les oiseaux du désert ou de l’espace, les flamants dont les plumes roses, les cous tendus s’envolent en triangle sur des échappées de Nil bleu et de ciel pâle, les ibis au long bec qui rêvent perchés sur les sphinx immobiles, tous prenaient la même physionomie banale parmi les paons blancs vaniteusement étalés et les petits canards chinois délicatement peints qui barbotaient à l’aise dans leur lac minuscule.

Peu à peu le jardin se remplissait.

Il était mondain maintenant, bruyant, animé, et tout à coup, entre deux avenues, un spectacle étrange, fantastique, remplit Mâdou d’une extase si grande, qu’il en resta immobile, muet, sans un mot pour exprimer sa stupeur, son ravissement.

Au-dessus des massifs, des grilles, presque à la hauteur des grands arbres, deux éléphants dont on n’apercevait encore que les énormes têtes et les trompes en mouvement, s’avançaient balançant sur leurs larges dos tout un monde bariolé, des femmes avec des om-