Page:Daudet - Jack, I.djvu/179

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vers le mur, comme si des routes invisibles se fussent ouvertes pour lui entre les pierres blanchies à la chaux, et que chaque lézarde du vieux bâtiment fût devenue une échappée lumineuse vers un pays connu de lui seul.

Jack s’approcha du lit :

— C’est moi, Mâdou… C’est moucié Jack.

L’autre le regarda sans comprendre, sans répondre ; il ne savait plus le français. Toutes les méthodes du monde n’auraient rien pu y faire. Peu à peu la nature reprenait ce petit sauvage ; et dans le délire où l’on ne s’appartient plus, où l’instinct efface toutes les choses apprises, Mâdou ne parlait que le dahomyen. Jack lui dit encore quelques mots tout doucement, tandis que Saïd, plus âgé, s’éloignait vers la porte, plein de terreur et d’angoisse, saisi par le froid que les grandes ailes de la mort agitent autour d’elle, alors qu’elle descend lentement, comme un oiseau qui plane, sur le front assombri des agonisants. Tout à coup Mâdou poussa un long soupir… Les deux enfants se regardèrent.

— Je crois qu’il dort… murmura Saïd très pâle.

Jack, très troublé aussi, répondit tout bas :

— Oui, tu as raison, il dort… allons-nous-en.

Et tous deux sortirent précipitamment, abandonnant leur camarade à je ne sais quelle ombre sinistre qui l’enveloppait, plus frappante encore dans cet endroit bizarre où tombait un jour verdâtre, indéfinissa-