Page:Daudet - Jack, I.djvu/206

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ami ; après quoi elle lui demande à quel endroit de Villeneuve habitent les connaissances de sa mère.

— Tout au bout du pays, répond Jack vivement. La dernière maison à droite.

C’est bien heureux qu’il fasse nuit et que sa rougeur s’abrite sous la capote du cabriolet. Malheureusement, il n’en a pas fini avec les interrogations. Le mari et la femme sont très-bavards, et curieux comme tous ces bavards avec lesquels on ne peut rester cinq minutes sans connaître toutes leurs affaires. Ce sont des marchands de drap de la rue des Bourdonnais qui chaque samedi s’en vont à la campagne évaporer dans une jolie petite maison à eux l’air alourdi, la poussière étouffante de leur commerce, un bon commerce qui leur permettra bientôt de se retirer tout à fait dans leur petit coin vert de Soisy-sous-Étiolles.

— Est-ce que c’est loin d’Étiolles, ce pays là ? demande Jack en tressaillant.

— Oh ! non… ça se touche, répond la grosse casquette, qui allonge un coup de fouet amical à sa bête.

Quelle fatalité !

Ainsi, sans son mensonge, en avouant tout simplement qu’il se rendait à Étiolles, il n’aurait eu qu’à continuer sa route dans cette bonne voiture qui roulait si également au milieu d’un sillon de lumière mobile et tranquillisante. Il n’aurait eu qu’à se laisser bercer par tout ce bien-être, à étendre ses petites jambes engourdies, à s’endormir dans le châle de la dame