Page:Daudet - Jack, I.djvu/247

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— Eh ! marchand, marchand, cria-t-il à l’homme qui s’en allait déjà en clopinant, activant de toutes ses forces, mais sans grand résultat, ses jambes tordues comme des ceps de vignes… Si vous vouliez, notre maison est tout près d’ici, vous pourriez y abriter vos chapeaux.

Le malheureux accepta avec empressement. Sa marchandise d’été était si délicate !

Les voilà tous les deux se pressant sur la route, grimpant le chemin pierreux pour fuir l’orage qui les talonnait. L’homme allait aussi vite qu’il pouvait, semblait faire des efforts prodigieux, marchait sur l’empeigne de ses souliers, et soulevait ses pieds à chaque pas, comme si les cailloux eussent été de feu.

— Vous souffrez ? demanda Jack.

— Oh ! oui, toujours… C’est mes souliers qui me font mal. J’ai les pieds trop grands, voyez-vous, je ne peux pas trouver de chaussures pour eux. C’est ça qui est pénible, quand on marche. Oh ! si jamais je suis riche, je me ferai faire une paire de souliers tout exprès pour moi, mais là, bien à ma mesure.

Et il s’en allait suant, geignant, sautillant sur les rudesses de la montée, jetant de temps en temps par habitude son cri mélancolique : « Chapeaux ! chapeaux ! chapeaux ! »

On arriva aux Aulnettes. Le marchand déposa dans l’entrée son échafaudage de chapeaux ronds et se tenait