Page:Daudet - Jack, I.djvu/305

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Personne n’était malade, certes. Quand le médecin arriva, on se mettait à table ; car à cause de l’estomac exigeant du maître de maison, et comme dans les endroits où l’on s’ennuie, on avançait toujours l’heure des repas.

Toutes les figures étaient riantes ; et même l’on entendait Charlotte qui descendait de sa chambre en fredonnant dans l’escalier.

— Je voudrais vous dire un mot, monsieur d’Argenton, dit le vieux Rivals, les lèvres frémissantes.

Le poëte frisa sa grosse moustache :

— Eh bien ! docteur, mettez-vous là. On va vous donner une assiette, et vous nous direz votre mot en déjeunant.

— Non, merci, je n’ai pas faim ; et puis ce que j’ai à vous dire, ainsi qu’à madame — il salua Charlotte qui venait d’entrer — est tout à fait confidentiel.

— Je me doute bien de ce qui vous amène, dit d’Argenton qui se souciait peu d’un tête-à-tête avec le médecin. C’est pour l’enfant, n’est-ce pas ?

— Tout juste, pour l’enfant.

— Dans ce cas, vous pouvez parler. Ces messieurs savent ce dont il s’agit, et j’apporte dans tous mes actes assez de loyauté et de désintéressement pour ne pas craindre la lumière.

— Mais, mon ami… hasarda Charlotte que cette explication devant tous épouvantait pour plusieurs raisons.