Page:Daudet - Jack, I.djvu/390

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parmi les plantes rustiques, par un hasard du terrain ou du vent.

— J’en suis, moi, de ce peuple maintenant, pensa Jack tout à coup en regardant sa blouse. Des larmes lui vinrent aux yeux à cette idée. Alors, il tendit la main à Bélisaire et s’éloigna sans dire un mot.

Que le père Roudic ne sût rien de ce qui se passait chez lui, cela n’était pas étonnant, avec sa vie tout à l’atelier, dans un entourage de braves gens qui respectaient sa confiance aveugle, faite de tendresse et de naïveté. Mais Zénaïde, Zénaïde, à quoi songeait-elle ? Elle n’était donc plus là ? Argus avait donc perdu ses yeux ?

Zénaïde était là, et plus que jamais, au contraire, puisque depuis un mois elle n’allait plus en journées. Ses yeux bons et rusés étaient ouverts aussi ; ils avaient même acquis un éclat, une vivacité extraordinaires. Ils disaient, ces yeux, dans leur langage, car les yeux parlent quand ils sont contents :

— Zénaïde va se marier.

Ils ne le disaient pas, ils le criaient :

— Zénaïde va se marier… Zénaïde a un futur !

Et un joli futur, ma foi, un brigadier aux douanes, bien serré dans son uniforme vert, avec une petite moustache belliqueuse et un képi galonné sur l’oreille. Dans tout le port de Nantes, qui est pourtant bien grand, et où il ne manque pas de douaniers, on n’eût pas trouvé deux brigadiers Mangin. Il n’y en