Page:Daudet - Jack, I.djvu/393

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ne sentait pas la fièvre qui brûlait les mains blanches de la jeune femme dans ses mains à elle, ses mains de jeune vierge toujours gelées. Elle ne remarquait pas ses longues et fréquentes absences, elle n’entendait pas ce qu’on disait dans la grande rue d’Indret. Elle ne voyait, n’entendait que son bonheur, vivait dans une exaltation joyeuse, dans une ivresse d’impatience.

Déjà les premiers bans étaient publiés, le mariage fixé à une quinzaine de jours, et la petite maison des Roudic traversée à toute heure du train joyeux, précipité, qui précède une noce. C’était un va-et-vient, un bruit de portes. Zénaïde montait, descendait dix fois par jour le petit escalier de bois avec des bondissements de jeune hippopotame. Et les bavardages des amies, des commères, les robes qu’on essaye, les cadeaux qui arrivent. La future en recevait beaucoup, cette grosse fille ayant trouvé moyen, malgré son air un peu bourru, de se faire aimer de tous. Jack comptait bien aussi lui donner un petit souvenir à l’occasion du mariage. Sa mère lui avait envoyé cent francs pris sur la maigre rente de sa toilette et difficilement économisés, car le poëte vérifiait toutes les dépenses.

« … Cet argent est à toi, mon Jack, disait Charlotte. Je l’ai mis de côté à ton intention. Tu achèteras, avec, un petit cadeau à mademoiselle Roudic et un habillement pour toi-même. Je veux que tu figures honorablement à cette cérémonie, et ta garde-robe doit être dans un état pitoyable, si, comme tu me l’écris, tu