Page:Daudet - Jack, II.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

désœuvré, découragé, enveloppé de cette torpeur qui suit les grandes catastrophes, le filleul de lord Peambock, le Jack (par un k) d’Ida de Barancy se traînait de chaise en chaise pour la plus grande irritation de d’Argenton et la plus grande honte de sa mère.

Quand celle-ci voyait entrer quelque inconnu dans la maison, quand elle saisissait un regard étonné, curieux, arrêté sur l’ouvrier sans ouvrage dont la tenue, la parole contrastaient étrangement avec le luxe tranquille de cet intérieur, elle s’empressait de dire : « C’est mon fils… Je vous présente mon fils… Il a été bien malade, » comme ces mères d’enfants infirmes qui se hâtent d’affirmer leur maternité de peur de surprendre un sourire ou une compassion trop marquée. Mais si elle souffrait de voir son Jack dans cet état, si elle rougissait de ses manières vulgarisées, presque grossières, de certaines façons qu’il avait de se tenir à table, où l’on sentait des habitudes de cabaret, des gloutonneries de mercenaire, elle souffrait encore plus du ton de mépris que les habitués de la maison affectaient en parlant de son enfant.

Jack avait retrouvé là toutes ses anciennes connaissances du Gymnase, tous les ratés de « Parva domus, » avec quelques années de plus, des cheveux et des dents de moins, mais immobiles dans leurs situations sociales et piétinant sur place, comme de braves ratés qu’ils étaient. Tous les jours, on se réunissait dans les bu-