Page:Daudet - Jack, II.djvu/147

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déjeune à midi, ou à deux heures, ou à trois, selon les visites. C’est même encore pis qu’autrefois, parce que mon sacré cheval en vieillissant est devenu plus lambin et plus maniaque… Nous avons des histoires ensemble tous les jours… Là, te voici chez toi, rentre vite… Demain, sans faute. Ne manque pas, ou je viens te chercher.

En refermant la porte de la maison, tout embarrassée de plantes grimpantes, Jack éprouva une singulière impression. Il lui sembla qu’il revenait d’une de ces grandes courses en cabriolet qu’il faisait jadis entre le docteur et sa petite amie, qu’il allait trouver sa mère apprêtant le couvert avec la femme du garde pendant que LUI travaillait dans la tourelle. Ce qui complétait l’illusion, c’était le buste de d’Argenton qu’on n’avait pas emporté à Paris comme trop encombrant et qui continuait à dominer la pelouse, rouillé, triste, promenant son ombre mobile autour de lui ainsi que l’aiguille d’un cadran solaire.

Il passa la soirée assis au bord de la cheminée, devant un feu de sarments, car la chambre de chauffe l’avait rendu frileux. Et de même qu’autrefois, quand il revenait de ses bonnes expéditions en pleine campagne, les souvenirs qu’il rapportait l’empêchaient de sentir le poids de la tristesse et de la tyrannie qui pesaient sur toute la maison ; de même ce soir-là la rencontre de M. Rivals, le nom de Cécile plusieurs fois prononcé, avaient mis dans son cœur un bien-être