Page:Daudet - Jack, II.djvu/148

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inconnu depuis longtemps, peuplé sa solitude de chers fantômes, de visions heureuses qui l’accompagnèrent jusque dans son sommeil.

Le lendemain, à midi, il sonnait à la porte des Rivals.

Ainsi que le bonhomme l’avait annoncé, rien n’était changé dans la maison toujours inachevée et dont la marquise se rouillait un peu plus tous les jours en attendant son vitrage.

— Monsieur n’est pas rentré… Mademoiselle est dans la pharmacie, dit à Jack la petite servante, qui vint lui ouvrir et qui avait remplacé la vieille et fidèle bonne d’autrefois. Un jeune chien aboyant dans la niche, à la place de l’ancien terre-neuve, prouvait aussi à sa manière que les choses durent plus que les êtres, à quelque espèce d’ailleurs qu’ils appartiennent.

Jack monta à la pharmacie, cette grande pièce où ils avaient tant joué jadis. Il frappa vivement, impatient de retrouver son amie, toujours enfant dans son idée, et que le mot d’affection du docteur « la petite » lui faisait voir encore avec sa taille de sept ans.

— Entrez, M. Jack.

Au lieu d’entrer, Jack se mit à trembler d’une peur, d’une émotion étranges.

— Entrez… répéta la même voix, la voix de Cécile, mais agrandie et sonore, plus riche, plus suave, plus profonde qu’autrefois.