Page:Daudet - Jack, II.djvu/329

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Cécile endormie, dans une attitude affaissée, qui racontait une nuit entière de prières et de larmes. Au pas du docteur elle ouvrit les yeux :

— Grand-père !

— Ils te l’ont donc appris, les misérables, ce secret que nous avions eu tant de peine à te cacher. Ô Dieu ! tant d’efforts, tant de soins, pour t’éviter cette tristesse, et puis, qu’elle t’arrive par des étrangers, par des ennemis ! Pauvre petite…

Elle avait caché sa tête sur son épaule :

— Ne me parle pas. Ne me dis rien. J’ai honte.

— Il faut que je parle, au contraire… Ah ! si j’avais pu me douter d’où venait la cause de ton refus ! car enfin c’est pour cela, n’est-ce pas, que tu n’as plus voulu te marier ?

— Oui.

— Mais pourquoi ? explique-moi ta pensée.

— Je ne voulais pas avouer le déshonneur de ma mère, et ma conscience me forçait à tout apprendre à celui qui devait être mon mari… Il n’y avait qu’une chose à faire, je l’ai faite.

— Ainsi, tu l’aimais, tu l’aimes encore ?

— De toute mon âme. Et je crois bien que lui aussi m’aimait assez pour ne pas rompre notre mariage ; mais c’était à moi de lui épargner ce grand sacrifice. On n’épouse pas une fille qui n’a pas de père, qui n’a pas de nom, qui, si elle en avait un, porterait celui d’un voleur et d’un faussaire.