Page:Daudet - Jack, II.djvu/330

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— Tu te trompes, mon enfant. Jack était bien fier et bien heureux de t’épouser ; et pourtant il connaissait ton histoire. C’est moi-même qui la lui avais racontée.

— Est-ce possible ?

— Ah ! méchante petite, si tu avais eu plus de confiance en moi, je t’aurais évité ce triple coup de poignard dont tu as frappé notre bonheur à tous trois.

— Ainsi Jack savait qui j’étais… ?

— J’avais cru devoir le prévenir, il y a un an, quand il m’a parlé de son amour.

— Et il voulait bien de moi encore ?…

— Enfant !… Puisqu’il t’aimait… D’ailleurs vos destinées sont tellement semblables… Il n’a pas de père, lui non plus ; et sa mère n’a jamais été mariée. La seule différence entre vous, c’est que ta mère à toi était une sainte, tandis que la sienne…

Alors, de même qu’il avait raconté à Jack l’histoire de Cécile, M. Rivals raconta à Cécile l’histoire de Jack, le long martyre de ce pauvre être si affectueux et si bon, l’abandon de son enfance, l’exil de sa jeunesse ; et subitement, comme si tout ce passé, à mesure qu’il se le remémorait, lui faisait mieux comprendre le présent :

— Mais j’y pense, c’est elle… Le coup vient d’elle…, s’écria le docteur. Elle en aura parlé devant Hirsch de votre mariage… Oui, oui, j’en suis sûr maintenant… C’est par cette folle que le drame, dont je t’avais si soigneusement garantie, est arrivé jusqu’à