Page:Daudet - Jack, II.djvu/44

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bien calculé son coup en l’éloignant de l’atelier… Depuis le cabaret de la grande rue d’Indret jusqu’à la gare de la Bourse, à Nantes, où le coupable et son complice avaient été arrêtés au moment où ils prenaient leurs billets pour se sauver on ne sait où, la trace du vol se suivait, se continuait sous les pas de l’apprenti, reconnaissable à l’or répandu, gaspillé tout le long de la route, à ces pièces de vingt francs changées à tout propos. Et quelle preuve convaincante que cette débauche de tout un jour, cette ivresse qui suit le crime d’ordinaire comme un remords boiteux et déguisé !

Le doute n’existait donc pour personne. Un seul point restait inexplicable, la disparition complète de ces six mille francs dont on n’avait trouvé aucune trace, ni dans les poches de Bélisaire chargées de quelques francs, produit de sa vente journalière, ni dans celles de l’apprenti au fond desquelles sonnaient des monnaies bizarres, rouillées, monnaies de cabarets marins où viennent se désaltérer tous les équipages du monde. Évidemment ce n’était pas dans les bouges du port qu’ils avaient pu, même en dix heures, dépenser tout l’argent qui manquait à la cassette de Zénaïde. Le gros morceau devait être caché quelque part.

Où ?… C’est ce qu’il fallait savoir.

Aussi, dès que le jour parut, le directeur fit descendre les coupables dans son cabinet, deux véritables criminels, couverts de boue, blêmes, déchirés, frisson-