Page:Daudet - Jack, II.djvu/64

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cepter par dignité pour d’Argenton. Il ne lui restait donc plus rien. À peine quelques bijoux qui ne feraient pas le quart de la somme nécessaire. Quant à s’adresser à son poëte, elle n’en eut pas même la pensée. Elle le connaissait trop. D’abord il haïssait l’enfant ; ensuite il était avare. La race auvergnate reparaissait en lui par des intérêts mesquins, un goût du pécule, un respect de paysan pour l’argent placé chez son notaire. Du reste, il n’était pas très riche, les Aulnettes coûtaient cher, le grevaient d’un revenu assez fort, et c’était par économie qu’il y passait l’hiver, malgré l’ennui de l’isolement, espérant racheter ainsi le gaspillage de l’été, ce va-et-vient de convives qui maintenaient autour de ses inquiétudes littéraires un « milieu intellectuel » chèrement entretenu.

Oh ! non, ce n’est pas à lui qu’elle avait pensé. Il le croyait pourtant, et d’avance il se composait une figure glaciale, la tête de l’homme qui voit venir une demande d’argent.

— J’ai toujours dit que cet enfant avait des instincts de perversité, fit-il, quand il lui eut laissé le temps de finir la lettre.

Elle ne répondit pas, peut-être même n’entendit-elle pas, possédée de cette idée : « Il faut trouver l’argent avant trois jours, sinon mon enfant ira en prison. »

Il continua :

— Quelle honte pour moi vis-à-vis de mes amis, de leur avoir fait recommander un monstre pareil !… Ça