Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/150

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serons trop riches… » dit-il enfin, et la poussant doucement dehors : « Sauve-toi… sauve-toi. »

Le matin, un billet de la princesse avait averti Paul qu’elle viendrait le prendre chez lui, pour aller là-bas. Là-bas, c’est-à-dire au Père-Lachaise. Depuis quelque temps « Herbert repiquait », comme disait Mme Astier. Deux fois par semaine, la veuve portait des fleurs au cimetière, les flambeaux, les prie-Dieu pour la chapelle, activait et surveillait les ouvriers ; une vraie recrudescence de ferveur conjugale. C’est qu’après un long et pénible débat entre sa vanité et son amour, la tentation de rester princesse et le charme fascinant de ce délicieux Paul Astier, — débat d’autant plus cruel qu’elle ne le confiait à personne qu’au pauvre Herbert, tous les soirs, dans son journal, — tout à coup la nomination de Samy avait emporté sa résolution ; et il lui paraissait convenable, avant de prendre un nouveau mari, d’enterrer le premier définitivement, d’en finir avec ce mausolée et l’intimité dangereuse du trop séduisant architecte.

Paul Astier s’amusait sans les comprendre des trépidations de cette petite âme affolée, y voyait un symptôme excellent, la crise suprême des grandes décisions, seulement trop longue, et il était pressé. Il fallait brusquer le dénouement,