Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/158

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le regard irrité de son compagnon vers le grand laquais en longue lévite, cocarde au chapeau, éternel et lugubre accompagnateur de leur amour, et dans son empressement à lui plaire aujourd’hui : « Attendez, » dit-elle en s’arrêtant. Elle se chargea elle-même des fleurs, des couronnes, puis congédia le domestique, et ils furent tout à fait seuls dans l’allée tournante. Cette attention gentille ne défronça pas les sourcils de Paul, et comme il avait passé au bras qui lui restait libre trois ou quatre disques de violettes russes, immortelles, lilas de perse, sa colère contre le défunt montait encore. Il pensait rageusement : « Tu me paieras ça. » Elle, au contraire, se sentait singulièrement heureuse, épanouie dans cet égoïsme de santé et de vie qui nous prend aux endroits de mort. Peut-être la chaleur du jour, ces fleurs embaumées,