Page:Daudet - L’Immortel (Lemerre 1890).djvu/330

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à des considérations de ce genre… Comprenez donc qu’il m’étouffe, ce Galilée que je ne suis pas assez riche pour racheter et que je vois aux vitrines des libraires avec mon nom en complicité de ce faussaire ! » Ce qu’il voulait, en somme ? Arracher lui-même les pages véreuses de son œuvre, en faire un public autodafé dont ce procès lui fournissait l’occasion : « Vous parlez de ridicule ? Mais l’Académie est bien trop haute pour le craindre. Quant à moi, ruiné, bafoué, il me restera le fier contentement d’avoir mis mon nom, mon œuvre et la dignité de l’histoire à l’abri. Je n’en demande pas davantage. » Sous l’emphase de sa parole, il y avait un accent de sincérité, de droiture qui détonnait dans ce milieu ouaté de toutes sortes de compromissions, d’enveloppements. Soudain l’huissier annonça : « Messieurs, quatre heures… » Quatre heures ! et les funérailles de Ripault-Babin qui n’étaient pas finies de régler.

« Au fait, oui… ce pauvre Ripault-Babin… » fit Danjou d’un ton de gouaille.

« Il est mort à temps, celui-là !… » déclama sombrement Laniboire. Mais l’effet de son mot fut perdu. L’huissier criait : « À vos places… » le directeur agitait sa sonnette, ayant à sa droite le chancelier Desminières et, à sa gauche, le secrétaire perpétuel lisant avec sa calme assurance