Page:Daudet - Le Roman du chaperon rouge, Lévy, 1862.djvu/106

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le bourgmestre.

C’est bien des ennemis qu’il s’agit ! je viens vous parler de vos soldats et vous en raconter de belles, allez !

le major, se couchant.

Comment ! de mes soldats ?

le bourgmestre.

Figurez-vous que nous étions réunis hier soir sur l’esplanade, à prendre le frais, avec nos femmes et nos filles, en écoutant la musique de la ville ; il y avait là l’inspecteur des douanes et sa cousine la chanoinesse, la veuve du chancelier, moi, ma famille, enfin toute l’élite de la bourgeoisie. Tout à coup, nous entendons le son d’une trompette, et nous voyons arriver, au pas de course, vos dragons bleus précédés d’un petit homme qui soufflait dans un clairon. Nous crûmes d’abord qu’il y avait le feu quelque part dans la ville basse ; mais voilà vos dragons qui se précipitent au milieu de nous, toujours en courant, bousculent d’un côté, bourrent de l’autre, renversent les chaises, embrassent nos dames, serrent de près nos demoiselles, prennent une taille d’ici, pincent un mollet de là, en dépit de nos cris et de nos efforts. C’était affreux ! Au milieu de ce vacarme, on entendait toujours le maudit trompette. Ah ! trompette du diable ! toutes les fois que son clairon nous cornait