Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/106

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roulant une cigarette. Et l’autre, bavard, indiscret, s’abandonnait, disait les secrets intimes de la famille.

Ah ! les vignes… fichues les vignes !… Et le clos lui-même n’en avait plus pour longtemps ; la moitié des cépages était déjà dévorée, et l’on ne conservait le reste que par miracle, en soignant chaque grappe, chaque grain comme des enfants malades, avec des drogues qui coûtaient cher. Le terrible, c’est que le consul s’entêtait à planter toujours de nouveaux ceps que le ver attaquait, au lieu de laisser à la culture des oliviers, des câpriers, toute cette bonne terre inutile couverte de pampres lépreux et roussis.

Heureusement qu’il avait, lui, Césaire, quelques hectares au bord du Rhône, qu’il soignait par l’immersion, une découverte superbe applicable seulement dans les terrains bas. Déjà une bonne récolte l’encourageait, d’un petit vin pas très chaud, « du vin de grenouille », disait le consul dédaigneusement ; mais le Fénat s’entêtait aussi, et, avec les huit mille francs de Courbebaisse, il allait acheter la Piboulette…