Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/200

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Romanesque ou non, elle était le soir consternée, à genoux, une assiette de soupe à la main, essayant d’apprivoiser le petit gars morvandiau, qui debout, dans une pose de recul, la tête basse, une tête énorme aux cheveux de chanvre, refusait énergiquement de parler, de manger, même de montrer sa figure et répétait d’une forte voix étranglée et monotone :

— Voir ménine, voir ménine.

Ménine, c’est sa grand-mère, je pense… Depuis deux heures, je n’ai pas pu en tirer autre chose.

Jean s’y mit aussi à vouloir lui faire avaler sa soupe, mais sans succès. Et ils restaient là, agenouillés tous deux à sa hauteur, tenant l’un l’assiette, l’autre la cuiller, comme devant un agneau malade, à répéter des encouragements, des mots de tendresse pour le décider.

— Mettons-nous à table, peut-être nous l’intimidons ; il mangera si nous ne le regardons plus…

Mais il continua à se tenir immobile, ahuri, répétant sa plainte de petit sauvage, « voir ménine »,