Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à mesure l’enfant se calmait et il se rendormit en tenant dans sa grosse petite main rugueuse, la main qu’il croyait être celle de sa « ménine », morte depuis quinze jours.

Ce fut comme un chat sauvage dans la maison, qui griffait, mordait, mangeait à part des autres, avec des grondements quand on s’approchait de son écuelle ; les quelques mots qu’on en tirait étaient d’un langage barbare de bûcherons morvandiaux, que jamais sans les Hettéma, du même pays que lui, personne n’aurait pu comprendre. Pourtant, à force de bons soins, de douceur, on parvint à l’apprivoiser un peu, « un pso », comme il disait. Il consentit à changer les guenilles dans lesquelles on l’avait amené contre les vêtements chauds et propres dont l’approche, les premiers jours, le faisait « querrier » de fureur, en vrai chacal qu’on voudrait affubler d’un manteau de levrette. Il apprit à manger à table, l’usage de la fourchette et de la cuiller, et à répondre, quand on lui demandait son nom, qu’au pays « i li dision Josaph ».

Quant à lui donner les moindres notions élémentaires, il n’y fallait pas songer encore.