Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/188

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Ce nom, quand il le sut, le fit devenir tout pâle… ils aimaient la même femme tous les deux.

andré, s’élançant vers lui.

Que dis-tu ?

claire, bas.

Je comprends, maintenant.

dominique

Devant l’aveu de son frère, l’aîné de nos amants crut devoir refouler sa passion dans son âme. Comme il n’avait parlé de cet amour à personne, personne ne sut ce qu’il souffrit. D’ailleurs, il parait qu’il fit très bien les choses, et ceux qui étaient près de lui l’ont toujours vu sourire… Pendant un mois, les autres s’aimèrent sous ses yeux… il regarda tout en souriant. Pendant un mois, on parla d’avenir et de bonheur devant lui… il écouta tout en souriant. Le jour des noces arriva, il souriait encore. Le prêtre unit les deux amants, il souriait toujours. Mais quand le soir fut venu, un peu las d’avoir tant souri et ne pouvant sourire davantage, le pauvre aîné s’enfuit de la maison paternelle, en pleurant toutes les larmes de son corps.

andré, sanglotant.

Tais-toi !… Tais-toi !…

dominique

Le malheureux erra pendant quatre ans… pendant quatre ans, il essaya d’oublier ; il oublia peut-être. Au prix de quels tourments ? au prix de quelles fatigues ? l’histoire ne le dit pas. On raconte seulement qu’un jour, se sentant le cœur plus calme, cet