Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/320

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avec passion ! j’aime mon art avec rage ! mais, dussé-je en mourir, il faut que je renonce à tous les deux. Tiens ! laisse-moi, Pierre, va-t’en… Tu ne sais pas, toi… il y a des devoirs terribles…

franqueyrol.

Mais, enfin, dis-moi au moins quels sont ces étranges devoirs ?…

henri.

Jamais ! C’est le secret de ma vie… je ne le livre à personne.

franqueyrol.

Ingrat ! Et moi qui serais si heureux de pouvoir te livrer le mien. Car j’ai un secret, moi aussi, dans ma vie, un gros secret qui me pèse et que j’aurais besoin de confier à quelqu’un. Mais à qui veux-tu ?… Je n’avais qu’un ami, et, tu vois, je suis en train de le perdre… (Le prenant par le bras.) Mais réponds-moi donc, cap de Dieu ! Dis quelque chose… non tu ne veux pas ? Eh bien ! alors, embarque, Pierre-qui-roule ; il était dit que je roulerais toute ma vie… (Il fait un pas vers la porte.)

henri.

Pierre !… (Franqueyrol s’arrête.) Tu t’en vas ?

franqueyrol.

Et pour toujours…

henri.

Pour toujours ? tu me jures que c’est pour toujours… Alors, écoute, mais rappelle-toi qu’en me forçant à te livrer mon secret, tu me condamnes à