Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/355

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vivette, à genoux, près de l’Innocent.

Quel dommage ! un si joli enfant… Est-ce qu’il ne guérira jamais ?

balthazar.

Ils disent tous que non ; mais ce n’est pas mon idée… Depuis quelque temps surtout, il me semble qu’il y a dans sa petite cervelle quelque chose qui remue, comme dans le cocon du ver à soie, quand le papillon veut sortir. Il s’éveille, cet enfant ! Je suis sûr qu’il s’éveille !…

vivette.

Ce serait un grand bonheur, si une pareille chose arrivait.

balthazar, rêveur.

Un bonheur ! ça dépend… C’est la sauvegarde des maisons d’avoir un innocent chez soi… Vois, depuis quinze ans que cet Innocent est né, pas un de nos moutons n’a été une fois malade, ni les mûriers non plus, ni les vignes… personne…

vivette.

C’est vrai…

balthazar.

Il n’y a pas à s’y tromper, c’est à lui que nous devons cela. Et si une fois il se réveillait, il faudrait que nos gens prennent garde. Leur planète pourrait changer.

l’innocent, essayant d’ouvrir le panier de Vivette.

J’ai faim, moi.