Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus souvent, comme ils trouvent cette mort trop lente, ceux qui sont atteints de cet étrange mal se débarrassent de l’existence, pour en avoir plus tôt fini…

francet mamaï.

Est-ce possible, Rose ?… Tu crois que l’enfant…

rose.

Il a la mort dans les yeux, je vous dis. Regardez-le bien, vous verrez. Moi, voilà huit jours que je le surveille, j’ai fait mon lit dans sa chambre, et la nuit je me lève pour écouter… Croyez-vous que c’est vivre, cela, pour une mère ? Tout le temps, je tremble, j’ai peur de tout pour lui. Les fusils, le puits, le grenier… D’abord, je vous préviens, je vais la faire murer, cette fenêtre du grenier… On voit les lumières d’Arles de là-haut, et tous les soirs l’enfant monte les regarder… Ça m’effraye… Et le Rhône… Oh ! ce Rhône ! j’en rêve, et lui aussi il en rêve. (Bas.) Hier, il est resté plus d’une heure devant la maison du pontonnier, à regarder l’eau avec des yeux fous… Il n’a plus que cette idée dans la tête, j’en suis sûre… s’il ne l’a pas fait encore, c’est que je suis là, toujours là, derrière lui, à le garder, à le défendre, mais maintenant je suis à bout de forces, et je sens qu’il va m’échapper.

francet mamaï.

Rose ! Rose !…

rose.

Écoutez-moi, Francet. Ne faites pas comme Marc. Ne levez pas les épaules à ce que je vous dis… Je le connais mieux que vous, cet enfant, et je sais ce