Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Certes, il ne voulait commettre aucune imprudence, mais un effort de volonté remonta son courage.

Soutenu par l’attirance irrésistible, par le sentiment plus fort que la sympathie, par toute l’effusion d’un premier amour dont son cœur était plein, il continua jusqu’au bureau d’omnibus.

Une demi-heure plus tard, il arrivait dans la famille Méen.

Son coup de sonnette était connu.

Berthe tressaillit.

Cependant, avant d’ouvrir, elle s’arrêta, une minute.

Son cœur battait si fort qu’elle craignait de ne pouvoir parler.

Oh ! la puissance, la force d’un premier amour ! l’attirance magique que rien n’égale… L’amour sans calcul, sans arrière-pensée !… l’amour dans ce qu’il a de plus sublime : le dévouement, l’acceptation de tous les sacrifices, l’immolation de l’être en vue du bonheur de la créature aimée !

Roger se trouvait introduit.

Il avait tendu la main à la gracieuse enfant qui avait soupiré d’une voix assourdie par les battements de son cœur :

— Oh !… vous !… M. Roger !…

— Mais oui, moi. Il me tardait !…

Mme Méen arrivait, Maurice qui avait entendu, accourait aussi.

— Cher enfant !…

— Tu me réservais cette surprise !…

Dans le petit salon, on l’installa dans le grand fauteuil. La mère et la fille se firent conter toutes les péripéties des jours précédents.

Elles avaient su beaucoup. Les détails leur paraissaient incomplets.

Pendant le récit que coupaient des exclamations de surprise, des effarements passaient dans les yeux de Berthe.

Il s’en était fallu de si peu que l’accident fût mortel !

Pendant que Roger parlait, il semblait à Mme Méen que la mélancolie habituelle de peintre avait disparu.

Elle lisait au fond de sa prunelle une espérance.

Berthe écoutait remuée jusqu’au fond de l’âme. Et, quand Roger parlait de ses rêves, lorsqu’il disait en souriant et en la regardant : « C’est une date qui fera époque dans ma vie. Je crois que l’avenir ne ressemblera en rien au passé… »

Elle était éblouie.

Une flambée d’espérance et d’amour illuminait son visage rayonnant de jeunesse.

— Votre sortie n’est-elle pas imprudente, demanda la mère.

— Non, c’est la fin de ma guérison.

— Et votre travail ?

— Il est repris depuis ce matin. Je vais marcher.

— Vous ferez-nous part de vos joies ?

— Vous n’en doutez pas, je pense.

— Vous savez que je vous considère un peu comme mon enfant.

Accablé par cette phrase affectueuse, Roger fit attendre sa réponse.

Sous l’intensité de la béatitude de la félicité qu’il éprouvait, il craignait de commettre une maladresse.

Pour ne pas exalter sa joie, il se contint et répondit simplement :

— J’aime Maurice comme mon frère. Je vais faire en sorte que vous ne regrettiez pas de m’avoir accueilli.

V

révélations


Malcie se trouvait dans l’atelier.

Un peu d’ordre avait été mis partout, un ordre sans symétrie, avec des lignes droites raides.

Une main de femme n’y avait pas présidé !

Roger était décidé à parler.

Rien ne devait plus l’arrêter.

Il en faisait une question d’honneur.

— Je vous suis infiniment reconnaissant, madame, dit-il, du dévouement que vous m’avez témoigné. Vous êtes venue à