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aux Mines, endroit important de commerce pour y transiger les affaires de son négoce. Le trajet était long et les chemins n’étaient pas toujours sûrs dans ce temps-là. Par une malheureuse fatalité, il y arriva le cinq septembre au matin, jour fixé par la proclamation pour la réunion des acadiens. Jean Renousse et le fidèle terreneuve lui avaient servi de gardes de corps pendant le voyage.

M. St.-Aubin comme les habitants du lieu, se rendit à l’appel. Ce fut là qu’on leur signifia qu’ils étaient prisonniers de guerre, qu’à part de leur argent et de leurs vêtements, tout ce qu’ils possédaient appartenait désormais au roi, et qu’ils se tinssent prêts à être embarqués pour être déportés et disséminés dans les colonies anglaises. L’ordre était formel, on ne leur accordait que quatre jours de répit. Il est impossible de peindre la stupeur et le désespoir que produisit cette nouvelle ; plusieurs refusèrent de croire qu’on exécutât jamais un acte d’aussi lâche et exécrable tyrannie ; mais le plus grand nombre s’enfermèrent dans leurs maisons et passèrent dans les larmes et les sanglots, les quelques heures qui précédèrent leur séparation. D’autres essayèrent de fuir, mais vainement. Des troupes avaient été disposées dans les bois, ils se trouvaient cernés de toute part et furent donc ramenés au camp, après avoir essuyé toutes sortes d’avanies et de mauvais traitements.

Ce fut à grand’peine que le vénérable curé obtint du commandant la permission de les réunir le neuf septembre, veille du départ, dans la vieille église pour y célébrer le saint sacrifice et leur adresser quelques paroles de consolation et d’adieu. Personne ne fut jamais témoin, peut-être, d’une scène plus déchirante. Tous les visages étaient inondés de larmes. L’église retentissait des sanglots et des sourds gémissements des malheureuses victimes. Lorsqu’avant la communion, le bon prêtre voulut leur dire quelques mots, il y eut une véritable explosion de plaintes et de cris de désespoir. Il fut lui-même longtemps avant que de pouvoir dominer son émotion, et ce fut après de longs et pénibles efforts qu’il put, d’une voix brisée par la douleur, leur faire entendre ces paroles :

« C’est peut-être pour la dernière fois, mes bons frères, que vous allez partager le pain des anges dans ce lieu saint. C’est lui qui donne le courage et la force de braver les tourments et les persécutions des méchants. C’est lui qui sera votre