Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
DÉCEMBRE 1762

répandu une quantité de portraits de cet abbé, avec son nom et cette phrase : Élu à l’Académie Française le 4 décembre 1762. On lit au bas ces vers :


L’aimable successeur du sombre Crebillon,
Dans un genre opposé s’illustre sur la scène.
Les arbitres du goût ont élu Voisenon,
Ils couronnent Thalie, en pleurant Melpomène.

On est fort intrigué pour savoir l’auteur de cette galanterie. Les uns prétendent que c’est madame Favart, avec qui cet abbé vit ; d’autres disent que c’est le mari.

5. — On ne cesse de parler de l’aventure d’hier. Les portraits ont été envoyés à toute la cour. L’Académie est furieuse de voir le secret de ses suffrages violé. L’abbé de Voisenon se trouve chargé d’un ridicule auquel il ne s’attendait pas. Favart et sa femme protestent qu’ils ne lui ont point rendu ce mauvais service.

6. — Éponine, tant vantée[1], a eu ce matin une répétition devant une assemblée très-nombreuse, qui a fondu en larmes.

Cette après-midi elle a été jouée. Le public du soir ne s’est pas trouvé aussi bien disposé que celui du matin, et cette pièce qui aurait passé pour médiocre, si on ne l’avait pas tant exaltée, est jugée détestable. Son succès a été si faible que l’auteur voulait la retirer ; il se disposait à faire faire un compliment au parterre pour lui en demander la permission. Mademoiselle Clairon lui a fait sentir l’indécence de ce procédé, qu’il était le maître de le faire sans rien dire ; mais elle lui a conseillé d’essayer une seconde représentation, promettant de la faire aller tant qu’elle pourrait.

  1. V. 20 janvier 1762. — R.