Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/119

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On y vit arriver le 13 septembre tous les corrégidors et un cacique de chaque peuplade, avec quelques Indiens de leur suite. Ils étaient sortis des missions avant qu’on s’y doutât de l’objet qui les faisait mander.

La nouvelle qu’ils en apprirent en chemin leur fit impression, mais ne les empêcha pas de continuer leur route. La seule instruction dont les curés eussent muni au départ leurs chers néophytes avait été de ne rien croire de tout ce que leur débiterait le gouverneur général. “ Préparez-vous, mes enfants, leur avaient-ils dit, à entendre beaucoup de mensonges. ” A leur arrivée, on les amena en droiture au gouvernement, où Je fus présent à leur réception. Ils y entrèrent à cheval au nombre de cent vingt et s’y formèrent en croissant sur deux lignes : un Espagnol, instruit dans la langue des Guaranis, leur servait d’interprète. Le gouverneur parut à un balcon ; il leur fit dire qu’ils étaient les bienvenus, qu’ils allassent se reposer, et qu’il les informerait du jour auquel il aurait résolu de leur signifier les intentions du roi. Il ajouta sommairement qu’il venait les tirer d’esclavage et les mettre en possession de leurs biens dont, jusqu’à présent, ils n’avaient pas joui. Ils répondirent par un cri général, en élevant la main droite vers le ciel et souhaitant mille prospérités au roi et au gouverneur. Ils ne paraissent pas mécontents, mais il était aisé de démêler sur leur visage plus de surprise que de joie. Au sortir du gouvernement, on les conduisit à une maison des jésuites où ils furent logés, nourris et entretenus aux dépens du roi. Le gouverneur, en les faisant venir, avait mandé nommément le fameux cacique Nicolas, mais on écrivit que son grand âge et ses infirmités ne lui permettaient pas de se déplacer.