Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/120

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A mon départ de Buenos Aires, les Indiens n’avaient pas encore été appelés à l’audience du général. Il voulait leur laisser le temps d’apprendre un peu la langue et de connaître la façon de vivre des Espagnols. J’ai plusieurs fois été les voir. Ils m’ont paru d’un naturel indolent, je leur trouvais cet air stupide d’animaux pris au piège. On m’en fit remarquer que l’on disait fort instruits ; mais, comme ils ne parlaient que la langue guarani, je ne fus pas dans le cas d’apprécier le degré de leurs connaissances ; seulement j’entendis jouer du violon un cacique que l’on nous assurait être grand musicien ; il joua une sonate et je crus entendre les sons obligés d’une serinette. Au reste, peu de temps après leur arrivée à Buenos Aires, la nouvelle de l’expulsion des jésuites étant parvenue dans les missions, le marquis de Bucarelli reçut une lettre du provincial qui s’y trouvait pour lors, dans laquelle il l’assurait de sa soumission et de celle de toutes les peuplades aux ordres du roi. Ces missions des Guaranis et des Tapes sur l’Uruguay n’étaient pas les seules que les jésuites eussent fondées dans l’Amérique méridionale. Plus au nord ils avaient rassemblé et soumis aux mêmes lois les Mayas, les Chiquitos et les Avipones. Ils formaient aussi de nouvelles réductions dans le sud du Chili du côté de l’île du Chiloé ; et depuis quelques années ils s’étaient ouvert une route pour passer de cette province au Pérou, en traversant le pays des Chiquitos, route plus courte que celle que l’on suivait jusqu’à présent. Au reste, dans les pays où ils pénétraient, ils faisaient appliquer sur des poteaux la devise de la Compagnie ; et sur la carte de leurs réductions faite