Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/141

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Dès que nous fûmes mouillés, je fis mettre à la mer un des mes canots et un de L’Étoile. Nous nous y embarquâmes au nombre de dix officiers armés chacun de nos fusils, et nous allâmes descendre au fond de la baie, avec la précaution de faire tenir nos canots à flot et les équipages dedans. A peine avions-nous pied à terre que nous vîmes venir à nous six Américains à cheval et au grand galop. Ils descendirent de cheval à cinquante pas et sur-le-champ accoururent au-devant de nous en criant chaoua. En nous joignant, ils tendaient les mains et les appuyaient contre les nôtres. Ils nous serraient ensuite entre leurs bras, répétant à tue-tête chaoua, chaoua, que nous répétions comme eux. Ces bonnes gens parurent très joyeux de notre arrivée. Deux des leurs, qui tremblaient en venant à nous ne furent pas longtemps sans se rassurer. Après beaucoup de caresses réciproques, nous fîmes apporter de nos canots des galettes et un peu de pain frais que nous leur distribuâmes et qu’ils mangèrent avec avidité. À chaque instant leur nombre augmentait ; bientôt il s’en ramassa une trentaine parmi lesquels il y avait quelques jeunes gens et un enfant de huit à dix ans. Tous vinrent à nous avec confiance et nous firent les mêmes caresses que les premiers. Ils ne paraissaient point étonnés de nous voir et, en imitant avec la voix le bruit de nos fusils, ils nous faisaient entendre que ces armes leur étaient connues. Ils paraissaient attentifs à faire ce qui pouvait nous plaire. M. de Commerçon et quelques-uns de nos messieurs s’occupaient à ramasser des plantes ; plusieurs Patagons se mirent aussi à en chercher, et ils apportaient les espèces qu’ils nous voyaient prendre.

L’un d’eux, apercevant le chevalier du Bouchage dans cette occupation,