Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/188

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étant beau, je résolus de continuer à faire route à petites voiles pendant la nuit. Nous serrâmes les bonnettes, et nous prîmes les ris dans les huniers. Vers dix heures du soir, le temps commença à s’embrumer, et le vent renforça tellement que nous fûmes contraints d’embarquer nos bateaux. Il plut beaucoup, et la nuit devint si noire à onze heures que nous perdîmes la terre de vue.

Une demi-heure après, m’estimant par le travers du cap Mundai, je fis signal de mettre en panne, tribord au vent, et nous passâmes ainsi le reste de la nuit, éventant ou masquant, suivant que nous nous estimions trop près de l’une ou de l’autre côte. Cette nuit a été une des plus critiques de tout le voyage.

A trois heures et demie, l’aube matinale nous découvrit la terre, et je fis servir. Nous gouvernâmes à ouest-quart-nord-ouest jusqu’à huit heures et, de huit heures à midi, entre l’ouest-quart-nord-ouest et l’ouest-nord-ouest. Le vent était toujours à l’est petit frais très brumeux ; de temps en temps nous apercevions quelque partie de la côte, plus souvent nous la perdions de vue tout à fait. Enfin, à midi, nous eûmes connaissance du cap des Piliers et des Évangélistes. On ne voyait ces derniers que du haut des mâts. A mesure que nous avancions du côté du cap des Piliers, nous découvrions avec joie un horizon immense qui n’était plus borné par les terres, et une grosse lame venant de l’ouest nous annonçait le grand Océan. Le vent ne resta pas à l’est, il passa à ouest-sud-ouest, et nous courûmes au nord-ouest jusqu’à deux heures et demie que nous relevâmes le cap des Victoires au nord-ouest, et le cap des Piliers au sud-3°-ouest.

Lorsqu’on a dépassé le cap Mundai, la côte septentrionale se