Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/208

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d’une corde un panier ou un filet ; ils y mettaient leurs effets, et nous les nôtres, donnant ou recevant indifféremment avant que d’avoir donné ou reçu, avec une bonne foi qui nous fit bien augurer de leur caractère. D’ailleurs nous ne vîmes aucune espèce d’armes dans leurs pirogues, où il n’y avait point de femmes à cette première entrevue.

Les pirogues restèrent le long des navires jusqu’à ce que les approches de la nuit nous firent revirer au large ; toutes alors se retirèrent.

Nous tâchâmes dans la nuit de nous élever au nord, n’écartant jamais la terre de plus de trois lieues. Tout le rivage fut jusqu’à près de minuit, ainsi qu’il l’avait été la nuit précédente, garni de petits feux à peu de distance les uns des autres : on eût dit que c’était une illumination faite à dessein, et nous l’accompagnâmes de plusieurs fusées tirées des deux vaisseaux. La journée du 5 se passa à louvoyer, afin de gagner au vent de l’île, et à faire sonder par les bateaux pour trouver un mouillage. L’aspect de cette côte, élevée en amphithéâtre, nous offrait le plus riant spectacle.

Quoique les montagnes y soient d’une grande hauteur, le rocher n’y montre nulle part son aride nudité ; tout y est couvert de bois. À peine en crûmes-nous nos yeux, lorsque nous découvrîmes un pic chargé d’arbres jusqu’à sa cime isolée qui s’élevait au niveau des montagnes, dans l’intérieur de la partie méridionale de l’île.

Il ne paraissait pas avoir plus de trente toises de diamètre et diminuait de grosseur en montant ; on l’eût pris de loin pour une pyramide d’une hauteur immense que la main d’un décorateur habile aurait parée de guirlandes de feuillages. Les terrains moins élevés sont entrecoupés de prairies et de bosquets, et