Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/214

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repos, ne fussent troublés par l’arrivée d’une nouvelle race.

On nous laissa la liberté de considérer l’intérieur de la maison. Elle n’avait aucun meuble, aucun ornement qui la distinguât des cases ordinaires, que sa grandeur. Elle pouvait avoir quatre-vingts pieds de long sur vingt pieds de large. Nous y remarquâmes un cylindre d’osier, long de trois ou quatre pieds et garni de plumes noires, lequel était suspendu au toit, et deux figures de bois que nous prîmes pour des idoles. L’une, c’était le dieu, était debout contre un des piliers ; la déesse était vis-à-vis, inclinée le long du mur qu’elle surpassait en hauteur, et attachée aux roseaux qui le forment. Ces figures mal faites et sans proportions avaient environ trois pieds de haut, mais elles tenaient à un piédestal cylindrique, vidé dans l’intérieur et sculpté à jour. Il était fait en forme de tour et pouvait avoir six à sept pieds de hauteur, sur environ un pied de diamètre ; le tout était d’un bois noir fort dur.

Le chef nous proposa ensuite de nous asseoir sur l’herbe au-dehors de sa maison, où il fit apporter des fruits, du poisson grillé et de l’eau ; pendant le repas, il envoya chercher quelques pièces d’étoffes et deux grands colliers faits d’osier et recouverts de plumes noires et de dents de requins. Leur forme ne ressemble pas mal à celle de ces fraises immenses qu’on portait du temps de François 1er. Il en passa un au col du chevalier d’Oraison, l’autre au mien, et distribua les étoffes. Nous étions prêts à retourner à bord, lorsque le chevalier de Suzannet s’aperçut qu’il lui manquait un pistolet qu’on avait adroitement volé dans sa poche.

Nous le fîmes entendre au chef qui, sur-le-champ, voulut fouiller tous les gens qui nous environnaient ;