Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il en maltraita même quelques-uns. Nous arrêtâmes ses recherches, en tâchant seulement de lui faire comprendre que l’auteur du vol pourrait être la victime de sa friponnerie, et que son larcin lui donnerait la mort.

Le chef et tout le peuple nous accompagnèrent jusqu’à nos bateaux. Prêts à y arriver, nous firmes arrêtés par un insulaire d’une belle figure qui, couché sous un arbre, nous offrit de partager le gazon qui lui servait de siège. Nous l’acceptâmes ; cet homme alors se pencha vers nous et, d’un air tendre, aux accords d’une flûte dans laquelle un autre Indien soufflait avec le nez, il nous chanta lentement une chanson, sans doute anacréontique : scène charmante et digne du pinceau de Boucher. Quatre insulaires vinrent avec confiance souper et coucher à bord. Nous leur fîmes entendre flûte, basse, violon, et nous leur donnâmes un feu d’artifice composé de fusées et de serpentaux. Ce spectacle leur causa une surprise mêlée d’effroi.

Le 7 au matin, le chef, dont le nom est Ereti, vint à bord. Il nous apporta un cochon, des poules et le pistolet qui avait été pris la veille chez lui. Cet acte de justice nous en donna bonne idée. Cependant nous fîmes dans la matinée toutes nos dispositions pour descendre à terre nos malades et nos pièces à l’eau, et les y laisser en établissant une garde pour leur sûreté. Je descendis l’après-midi avec armes et bagages, et nous commençâmes à dresser le camp sur les bords d’une petite rivière où nous devions faire notre eau. Ereti vit la troupe sous les armes et les préparatifs du campement sans paraître d’abord surpris ni mécontent. Toutefois, quelques heures après, il vint à moi, accompagné de son père et des principaux du canton qui lui avaient fait des représentations à cet égard, et me fit entendre