Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/225

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Cependant lorsque le jour était venu, aucun Indien ne s’était approché du camp, on n’avait vu aucune pirogue, on avait trouvé les maisons abandonnées, tout le pays paraissait un désert. Le prince de Nassau, lequel avec quatre ou cinq hommes seulement s’était éloigné davantage, dans le dessein de rencontrer quelques insulaires et de les rassurer, en trouva un grand nombre avec Ereti environ à une lieue du camp. Dès que ce chef eut reconnu M. de Nassau, il vint à lui d’un air consterné. Les femmes éplorées se jetèrent à ses genoux, elles lui baisaient les mains en pleurant et en répétant plusieurs fois : Tayo, maté, vous êtes nos amis et vous nous tuez. A force de caresses et d’amitié il parvint à les ramener. Je vis du bord une foule de peuple accourir au quartier : des poules, des cocos, des régimes de bananes embellissaient la marche et promettaient la paix. Je descendis aussitôt avec un assortiment d’étoffes de soie et des outils de toute espèce ; je les distribuai aux chefs, en leur témoignant ma douleur du désastre arrivé la veille et en les assurant qu’il serait puni. Les bons insulaires me comblèrent de caresses, le peuple applaudit à la réunion, et en peu de temps la foule ordinaire et les filous revinrent à notre quartier qui ne ressemblait pas mal à une foire. Ils apportèrent ce jour et le suivant plus de rafraîchissements que jamais. Ils demandèrent aussi qu’on tirât devant eux quelques coups de fusil ; ce qui leur fit grand peur, tous les animaux tirés ayant été tués raides.

Le canot que j’avais envoyé pour reconnaître le côté du nord était revenu avec la bonne nouvelle qu’il y avait trouvé un très beau passage. Il était alors trop tard pour en profiter ce même jour ; la nuit s’avançait. Heureusement