Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/228

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L’après-midi nous rejoignîmes L’Étoile. A cinq heures du soir notre chaloupe arriva ayant à bord la grosse ancre et le câble de L’Étoile qu’elle lui porta : notre canot, celui de L’Étoile et sa chaloupe revinrent peu de temps après ; celle-ci nous rapportait notre ancre à jet et un grelin. Quant aux deux autres ancres à jet, l’approche de la nuit et la fatigue extrême des matelots ne permirent pas de les lever ce même jour. J’avais d’abord compté m’entretenir toute la nuit à portée du mouillage et les envoyer chercher le lendemain ; mais à minuit il se leva un grand frais de l’est-nord-est, qui me contraignit à embarquer les bateaux et à faire de la voile pour me tirer de dessus la côte. Ainsi un mouillage de neuf jours nous a coûté six ancres, perte que nous n’aurions pas essuyée, si nous eussions été munis de quelques chaînes de fer. C’est une précaution que ne doivent jamais oublier tous les navigateurs destinés à de pareils voyages.

Maintenant que les navires sont en sûreté, arrêtons nous un instant pour recevoir les adieux des insulaires.

Dès l’aube du jour, lorsqu’ils s’aperçurent que nous mettions à la voile, Ereti avait sauté seul dans la première pirogue qu’il avait trouvée sur le rivage, et s’était rendu à bord. En y arrivant il nous embrassa tous ; il nous tenait quelques instants entre ses bras, versant des larmes, et paraissant très affecté de notre départ. Peu de temps après sa grande pirogue vint à bord chargée de rafraîchissements de toute espèce ; ses femmes étaient dedans, et avec elles ce même insulaire qui le premier jour de notre atterrage était venu s’établir à bord de L’Étoile. Ereti fut le prendre par la main, et il me le présenta, en me faisant entendre que cet homme, dont le nom est Aotourou, voulait nous suivre, et me priant d’y consentir. Il le présenta ensuite à