Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/234

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journées, en aurait-on eu beaucoup davantage, car les habitants en apportaient de jour en jour un plus grand nombre. Nous n’avons pas éprouvé de grandes chaleurs dans cette île. Pendant notre séjour le thermomètre de Réaumur n’a jamais monté à plus de vingt-deux degrés et il a été quelquefois à dix-huit degrés. Le soleil, il est vrai, était déjà à huit ou neuf degrés de l’autre côté de l’équateur. Mais un avantage inestimable de cette île, c’est de n’y pas être infesté par cette légion odieuse d’insectes qui font le supplice des pays situés entre les tropiques ; nous n’y avons vu non plus aucun animal venimeux. D’ailleurs le climat est si sain que, malgré les travaux forcés que nous y avons faits, quoique nos gens fussent continuellement dans l’eau et au grand soleil, qu’ils couchassent sur le sol nu et à la belle étoile, personne n’y est tombé malade. Les scorbutiques que nous avions débarqués, et qui n’y ont pas eu une seule nuit tranquille, y ont repris des forces et s’y sont rétablis en aussi peu de temps, au point que quelques-uns ont été parfaitement guéris à bord. Au reste, la santé et la force des insulaires qui habitent des maisons ouvertes à tous les vents et couvrent à peine de quelques feuillages la terre qui leur sert de lit, l’heureuse vieillesse à laquelle ils parviennent sans aucune incommodité, la finesse de tous leurs sens et la beauté singulière de leurs dents qu’ils conservent dans le plus grand âge, quelles meilleures preuves et de la salubrité de l’air et de la bonté du régime que suivent les habitants ?

Les végétaux et le poisson sont leur principale nourriture ; ils mangent rarement de la viande, les enfants et les jeunes filles n’en mangent jamais, et ce régime sans doute contribue beaucoup