Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/238

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Lui dénoncions-nous quelque voleur, il le poursuivait lui-même à toutes jambes ; l’homme fuyait et, s’il était joint, ce qui arrivait ordinairement, car Ereti était infatigable à la course, quelques coups de bâton et une restitution forcée étaient le seul châtiment du coupable. Je ne croyais pas même qu’ils connussent de punition plus forte, attendu que, quand ils voyaient mettre quelqu’un de nos gens aux fers, ils en témoignaient une peine sensible ; mais j’ai su depuis, à n’en pas douter, qu’ils ont l’usage de pendre les voleurs à des arbres, ainsi qu’on le pratique dans nos armées.

Ils sont presque toujours en guerre avec les habitants des îles voisines. Nous avons vu les grandes pirogues qui leur servent pour les descentes et même pour des combats de mer. Ils ont pour armes l’arc, la fronde et une espèce de pique d’un bois fort dur. La guerre se fait chez eux d’une manière cruelle. Suivant ce que nous a appris Aotourou, ils tuent les hommes et les enfants mâles pris dans les combats ; ils leur lèvent la peau du menton avec la barbe, qu’ils portent comme un trophée de victoire ; ils conservent seulement les femmes et les filles, que les vainqueurs ne dédaignent pas d’admettre dans leur lit ; Aotourou lui-même est le fils d’un chef tahitien et d’une captive de l’île de Oopoa, île voisine et souvent ennemie de Tahiti.

J’attribue à ce mélange la différence que nous avons remarquée dans l’espèce des hommes. J’ignore, au reste, comme ils pansent leurs blessures : nos chirurgiens en ont admiré les cicatrices.

J’exposerai à la fin de ce chapitre ce que j’ai pu entrevoir sur la forme de leur gouvernement, sur l’étendue du pouvoir qu’ont leurs petits souverains, sur l’espèce de distinction