Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/239

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qui existe entre les principaux et le peuple, sur le lien enfin qui réunit ensemble, et sous la même autorité, cette multitude d’hommes robustes qui ont si peu de besoins. Je remarquerai seulement ici que, dans les circonstances délicates, le seigneur du canton ne décide point sans l’avis d’un conseil. On a vu qu’il avait fallu une délibération des principaux de la nation lorsqu’il s’était agi de l’établissement de notre camp à terre. J’ajouterai que le chef paraît être obéi sans réplique par tout le monde, et que les notables ont aussi des gens qui les servent, et sur lesquels ils ont de l’autorité.

Il est fort difficile de donner des éclaircissements sur leur religion. Nous avons vu chez eux des statues de bois que nous avons prises pour des idoles ; mais quel culte leur rendent-ils ? La seule cérémonie religieuse dont nous ayons été témoins regarde les morts. Ils en conservent longtemps les cadavres étendus sur une espèce d’échafaud que couvre un hangar. L’infection qu’ils répandent n’empêche pas les femmes d’aller pleurer auprès du corps une partie du jour, et d’oindre d’huile de coco les froides reliques de leur affection.

Celles dont nous étions connus nous ont laissés quelquefois approcher de ce lieu consacré aux mânes : Emoé, il dort, nous disaient-elles. Lorsqu’il ne reste plus que les squelettes, on les transporte dans la maison, et j’ignore combien de temps on les y conserve. Je sais seulement, parce que je l’ai vu, qu’alors un homme considéré dans la nation vient y exercer son ministère sacré, et que, dans ces lugubres cérémonies, il porte des ornements assez recherchés.

Nous avons fait sur sa religion beaucoup de questions à Aotourou et nous avons cru comprendre qu’en général ses