Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/246

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qu’une herminette, dont le tranchant est fait avec une pierre noire très dure. Elle est absolument de la même forme que celle de nos charpentiers, et ils s’en servent avec beaucoup d’adresse. Ils emploient, pour percer les bois, des morceaux de coquilles fort aigus.

La fabrique des étoffes singulières qui composent leurs vêtements n’est pas le moindre de leurs arts. Elles sont tissées avec l’écorce d’un arbuste que tous les habitants cultivent autour de leurs maisons. Un morceau de bois dur, équarri et rayé sur ses quatre faces par des traits de différentes grosseurs, leur sert à battre cette écorce sur une planche très unie. Ils y jettent un peu d’eau en la battant, et ils parviennent ainsi à former une étoffe très égale et très fine, de la nature du papier, mais beaucoup plus souple et moins sujette à être déchirée. Ils lui donnent une grande largeur. Ils en ont de plusieurs sortes, plus ou moins épaisses, mais toutes fabriquées avec la même matière ; j’ignore la méthode dont ils se servent pour les teindre.

Je terminerai ce chapitre en me justifiant, car on m’oblige à me servir de ce terme, en me justifiant, dis-je, d’avoir profité de la bonne volonté d’Aotourou pour lui faire faire un voyage qu’assurément il ne croyait pas devoir être aussi long et en rendant compte des connaissances qu’il m’a données sur son pays pendant le séjour qu’il a fait avec moi. Le zèle de cet insulaire pour nous suivre n’a pas été équivoque. Dès les premiers jours de notre arrivée à Tahiti, il nous l’a manifesté de la manière la plus expressive, et sa nation parut applaudir à son projet.

Forcés de parcourir une mer inconnue et certains de ne devoir désormais qu’à l’humanité des peuples que nous allions découvrir les secours et les rafraîchissements