Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/253

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dont la couleur est consacrée à la mort, et de se couvrir le visage d’un voile. Quand les gens en deuil sortent de leurs maisons, ils sont précédés de plusieurs esclaves qui battent des castagnettes d’une certaine manière ; leur son lugubre avertit tout le monde de se ranger, soit qu’on respecte la douleur des gens en deuil, soit qu’on craigne leur approche comme sinistre et malencontreuse. Au reste, il en est à Tahiti comme partout ailleurs ; on y abuse des usages les plus respectables. Aotourou m’a dit que cet attirail du deuil était favorable au rendez-vous, sans doute avec les femmes dont les maris sont peu complaisants. Cette claquette dont le son respecté écarte tout le monde, ce voile qui cache le visage, assurent aux amants le secret et l’impunité.

Dans les maladies un peu graves, tous les proches parents se rassemblent chez le malade. Ils y mangent et y couchent tant que le danger subsiste ; chacun le soigne et le veille à son tour. Ils ont aussi l’usage de saigner ; mais ce n’est ni au bras ni au pied. Un taoua, c’est-à-dire un médecin ou prêtre inférieur, trappe avec un bois tranchant sur le crâne du malade, il ouvre par ce moyen la veine que nous nommons sagittale ; et, lorsqu’il en a coulé suffisamment de sang, il ceint la tête d’un bandeau qui assujettit l’ouverture : le lendemain il lave la plaie avec de l’eau. Voilà ce que j’ai appris sur les usages de ce pays intéressant, tant sur les lieux mêmes que par mes conversations avec Aotourou.

En arrivant dans cette île, nous remarquâmes que quelques-uns des mots prononcés par les insulaires se trouvaient dans le