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vocabulaire inséré à la suite du voyage de Lemaire, sous le titre de Vocabulaire des îles des Cocos. Ces îles, en effet, selon l’estime de Lemaire et de Schouten, ne sauraient être fort éloignées de Tahiti, peut-être font-elles partie de celles que m’a nommées Aotourou. La langue de Tahiti est douce, harmonieuse et facile à prononcer. Les mots n’en sont presque composés que de voyelles sans aspiration ; on n’y rencontre point de syllabes muettes, sourdes ou nasales, ni cette quantité de consonnes et d’articulations qui rendent certaines langues si difficiles. Aussi notre Tahitien ne pouvait-il parvenir à prononcer le français. Les mêmes causes qui font accuser notre langue d’être peu musicale la rendaient inaccessible à ses organes.

On eût plutôt réussi à lui faire prononcer l’espagnol ou l’italien.

M. Pereire, célèbre par son talent d’enseigner à parler et bien articuler aux sourds et muets de naissance, a examiné attentivement et plusieurs fois Aotourou et a reconnu qu’il ne pouvait physiquement prononcer la plupart de nos consonnes, ni aucune de nos voyelles nasales. Au reste, la langue de cette île est assez abondante j’en juge parce que, dans le cours du voyage, Aotouroua mis en strophes cadencées tout ce qui l’a frappé. C’est une espèce de récitatif obligé qu’il improvisait. Voilà ses annales : et il nous a paru que sa langue lui fournissait des expressions pour peindre une multitude d’objets tous nouveaux pour lui. D’ailleurs, nous lui avons entendu chaque jour prononcer des mots que nous ne connaissions pas encore, et, entre autres, déclamer une longue prière, qu’il