Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/323

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le don même de quelques morceaux d’étoffes jetés à la mer, ne leur inspirèrent pas la confiance de nous accoster. Ils ramassèrent ce qu’on avait jeté, et pour remerciement, l’un d’eux, avec une fronde, nous lança une pierre qui ne vint pas jusqu’à bord ; nous ne voulûmes pas leur rendre le mal pour le mal, et ils se retirèrent en frappant tous ensemble sur leurs canots avec de grands cris. Ils poussèrent sans doute les hostilités plus loin à bord de L’Étoile ; car nous en vîmes tirer plusieurs coups de fusil qui les mirent en fuite. Leurs pirogues sont longues, étroites et à balancier. Toutes ont l’avant et l’arrière plus ou moins ornés de sculptures peintes en rouge, qui font honneur à leur adresse.

Le lendemain, il en vint un beaucoup plus grand nombre qui ne firent aucune difficulté d’accoster le navire. Celui de leurs conducteurs qui paraissait être le chef portait un bâton long de deux ou trois pieds, peint en rouge, avec une pomme à chaque bout. Il l’éleva sur sa tête avec ses deux mains en nous approchant, et il demeura quelque temps dans cette attitude. Tous ces nègres paraissaient avoir fait une grande toilette ; les uns avaient la laine peinte en rouge ; d’autres portaient des aigrettes de plumes sur la tête, d’autres des pendants d’oreilles de certaines graines ou de grandes plaques blanches et rondes pendues au cou ; quelques-uns avaient des anneaux passés dans les cartilages du nez : mais une parure assez générale à tous était des bracelets faits avec la bouche d’une grosse coquille sciée. Nous voulûmes lier commerce avec eux, pour les engager à nous apporter quelques rafraîchissements. Leur mauvaise foi nous fit bientôt voir que nous n’y réussirions pas. Ils tâchaient de saisir ce qu’on leur proposait et