Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/335

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que je crois très beau pour se tirer de cette suite éternelle d’îles.

Nous eûmes dans cette matinée deux alertes consécutives. La première fois, on cria d’en haut qu’on voyait devant nous une longue suite de brisants, et l’on prit aussitôt les amures à l’autre bord. Ces brisants, examinés ensuite plus attentivement, se trouvèrent être des raz d’une marée violente, et nous reprîmes notre route.

Une heure après, plusieurs personnes crièrent du gaillard d’avant qu’on voyait le fond sous nous ; l’affaire pressait, mais l’alarme fut heureusement aussi courte qu’elle avait été vive. Nous l’eussions même crue fausse si L’Étoile, qui était dans nos eaux, n’eût aperçu ce même haut-fond pendant près de deux minutes. Il lui parut un banc de corail. Presque nord et sud de ce banc, qui peut avoir encore moins d’eau dans quelque partie, il y a une anse de sable sur laquelle sont construites quelques cases environnées de cocotiers. La remarque peut d’autant plus servir de point de reconnaissance que, jusque-là, nous n’avons vu aucune trace d’habitation sur cette côte. A une heure après midi, nous doublâmes la pointe du nord-est de la grande île, qui s’étend ensuite sur l’ouest et l’ouest-quart-sud-ouest, près de vingt lieues. Il fallut serrer le vent pour la prolonger, et nous ne tardâmes pas à apercevoir d’autres îles dans l’ouest et l’ouest-quart-nord-ouest. On en vit même une au soleil couchant qui fut relevée dans le nord-est-quart-nord, à laquelle se joignait une batture qui parut s’étendre jusqu’au nord-quart-nord-ouest : ainsi nous étions encore une fois enclavés.

Nous perdîmes dans cette journée notre premier maître d’équipage, nommé Denis, qui mourut du scorbut. Il était malouin et