Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/336

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âgé d’environ cinquante ans, passés presque tous au service du roi. Les sentiments d’honneur et les connaissances qui le distinguaient de son état important nous l’ont fait regretter universellement. Quarante-cinq autres personnes étaient atteintes du scorbut ; la limonade et le vin en suspendaient seuls les funestes progrès.

Nous passâmes la nuit sur les bords, et le 25, au lever du jour, nous nous trouvâmes environnés de terres. Il s’offrait à nous trois passages, l’un ouvert au sud-ouest, le second à l’ouest-sud-ouest, et le troisième presque est et ouest. Le vent ne nous accordait que ce dernier, et je n’en voulais point. Je ne doutais pas que nous ne fussions au milieu des îles des Papous. Il fallait éviter de tomber plus loin dans le nord, de crainte, comme je l’ai déjà dit, de nous enfoncer dans quelqu’un des golfes de la côte orientale de Gilolo. L’essentiel, pour sortir de ces parages critiques, était donc de nous élever en latitude australe : or, au-delà du passage du sud-ouest, on apercevait dans le sud la mer ouverte autant que la vue pouvait s’étendre : ainsi je me décidai à louvoyer pour gagner ce débouché. Toutes ces îles et îlots qui nous enfermaient sont fort escarpés, de hauteur médiocre, et couverts d’arbres. Nous n’y avons aperçu aucun indice qu’elles soient habitées.

A onze heures du matin, nous eûmes fond de sable sur quarante-cinq brasses ; c’était une ressource. A midi, nous observâmes cinq minutes de latitude boréale, ainsi nous venions de passer la ligne pour la quatrième fois. A six heures du soir, nous étions à même de donner dans le passage de l’ouest-sud-ouest. C’était avoir gagné environ trois lieues par le travail de la journée entière. La nuit nous fut plus favorable, grâce à la lune dont la lumière nous permit de louvoyer