Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/343

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Ce ne fut pas sans d’excessifs mouvements de joie que nous découvrîmes à la pointe du jour l’entrée du golfe de Cajeli. C’est où les Hollandais ont leur établissement ; c’était le terme où devaient finir nos plus grandes misères. Le scorbut avait fait parmi nous de cruels ravages depuis notre départ du port de Praslin ; personne ne pouvait s’en dire entièrement exempt, et la moitié de nos équipages était hors d’état de faire aucun travail. Huit jours de plus passés à la mer eussent assurément coûté la vie à un grand nombre et la santé à presque tous. Les vivres qui nous restaient étaient si pourris et d’une odeur si cadavéreuse, que les moments les plus durs de nos tristes journées étaient ceux où la cloche avertissait de prendre ces aliments dégoûtants et malsains. Combien cette situation embellissait encore à nos yeux le charmant aspect des côtes de Boëro ! Dès le milieu de la nuit, une odeur agréable, exhalée des plantes aromatiques dont les îles Moluques sont couvertes, s’était fait sentir plusieurs lieues en mer, et avait